J'ai téléchargé le dernier Radiohead hier. A Heart-Shaped Moon, de mémoire, c'est tout frais. J'ai installé VLC sur l'ordi du taf pour pouvoir l'écouter direct en FLAC. J'ai pu écouter environ les cinq premières à la pause de midi, après avoir mangé mon omelette patate raclette échalottes comté, et après avoir déconné avec les autres sur la slackline.

Et wow, thanks dudes, encore une claque. Magique, hors du temps, relaxing.

De retour dans ma chambre après le taf, j'ai directement branché mon baladeur numérique, soyont génériques, pour importer le-dit album, ainsi que Restriction, le dernier d'Archive (Avec le dernier Gramatik, Weezer et Stand High Patrol) après avoir discuté de festivals avec le fils de la femme qui me loue une chambre, et qui foire son bac pour passer tout les soirs en teuf (RPZ la PLS maggle).

Après un réveil à ne pas vouloir me lever, me lever sans vouloir me doucher, me doucher sans vouloir m'habiller et m'habiller sans vouloir partir, je suis parti prendre le bus en écoutant le reste de l'album. Debout dans le bus blindé, les yeux fermés derrière mes fausses Ray-Ban en cul-de-bouteille. Puis debout dans un tram quasiment vide, les yeux toujours fermés derrière mes fausses Ray-Ban en cul-de-bouteille.

Et wow... Mais plus j'approchais de la fin de l'album, voyant les titres défiler dangereusement vite (11 pistes tout de même), plus j'attendais autre chose. C'est beau, c'est mélancolique, du pur Radiohead. Mais une chappe est présente sur toute l'album, que le groupe n'arrive pas à percer. Essayer la cymbale qui claque, des guitares qui gueulent, défoulez-vous, extériosirez les gars, au lieu de juste nous montrer. J'aurai aimé une touche explosive à la fin, pour se débarasser de la mélancolie, avec une bonne destruction, du vide dynamique ou au pire de l'optimisme. Mais non, on arrive à la fin de l'album, j'ai encore passé un moment incroyable en voyageant avec eux, et pourtant j'ai un sentiment d'inachevé quelque part.

Sur le chemin du retour, je rentre du centre ville sans prendre le bus pour marcher un peu, et me découvrir le dernier Archive.Et au bout de quelques chansons, un reflexion me vient : "Archive fait du meilleur Radiohead que Radiohead". Ce qui m'a fait penser au "unpopular opinion pengouin" meme, ce qui m'a fait sourire, même si je n'étais pas tout à fait d'accord avec moi-même. Archive gardent bien sûr leur style, plus abouti que jamais oserais-je dire. Sur le chemin pour faire quelques courses, Half Built Houses m'a chopé à la gueule. J'ai eu des sanglots, et contenu mes larmes. Ce n'était pas que la musique, mais tout ce qu'elle réveillait, au fond de moi. Même sans comprendre et analyser les paroles, la puissance de la voix m'a permis de faire sortir tout ces choses que Radiohead a érodées, triturées, bougées sans remettre à leur place. J'ai pensé à ma position, aux gens que je connais, que j'ai rencontré, à la proportion qu'ils connaissent de moi et que je connais d'eux, à ma personnalité différente en fonction de mon interlocuteur, des autres personnes dans la pièce, du cadre (l'école le travail la teuf le labo les magasins....), de mon humeur, de la langue que je parle... Et j'ai pensé à toi, encore. Pas vraiment à ce que tu pourrais faire à l'instant présent, comme il m'arrive parfois, mais de notre histoire. En pensant bien sûr à beaucoup d'autres choses de mon passé, en me demandant ce que "de mon passé" veux bien dire au final. Et j'ai bloqué devant le rayon yahourt, sur les nesquik que tu achetais. J'ai craqué et en ai acheté. J'ai pu fourrer toutes mes courses dans mon sac à dos, à part ces yahourt que j'ai du me trimballer à la main de peur qu'ils pètent dans le sac blindé.

Après avoir cuisiné et dégusté ma ratatouille lardons pates chinoises cacahuète en écoutant/chantant/tapotant le beat avec la cuillère en bois/jouant au air guitar l'album Queens Of The Stone Age que le shuffle m'a gracieusement offert en me rinçant de deux verres de vin, j'ai ouvert un des yahourts et je m'attendais à une de ces visions vivides du passé que j'ai parfois, où je peux voir un instant t d'une soirée, d'un moment, d'un endroit, comme ton salon avec vue sur la gare derrière le petit balcon, les bambous peints sur le mur, le frigo qui fait du bruit, le clic-clac, l'étagère à DVD pleines d'objets hétéroclites originaux. Mais elle n'a pas été beaucoup plus forte que d'habitude. ça m'a fait penser à ce dernier week-end chez mes parents, où j'ai rouvert la boîte de converse qui contient encore un tas de stuff que tu m'a offert ou envoyé parce que je cherchai un coupe-cigare. Cela faisait un moment que cette boîte n'a pas été ouverte, et j'ai du mal à ne pas devenir sentimental en la manipulant. J'ai eu la pulsion de saisir ton lipstick goût nesquik, qui me rappelle invariablement tes lèvres. Mais j'ai presque eu peur de l'ouvrir, et l'ai reposé religieusement. Regardez-moi ça, ces connards d'hommes sans sentiments.

Ma vision des relations, des sentiments a été complètement changée, ou plutôt fondée car je n'en avais pas vraiment avant toi. Je plains ceux qui ont ramassé les morceaux de toi, moi en tout cas je n'ai pas laissé grand monde s'approcher.

Y'a un petit mois de cela, j'ai passé un samedi puis deux vendredi consécutifs, si je ne dis pas de conneries, à taper des très bonnes soirées avec mes potes. Durant l'une d'entre elles, je me suis eclipsé sur le balcon pendant que tout le monde commencait à percher. Assis sur une chaise, seul, je me suis mi à la place de tout ces types mal dans leur peau qui s'excluent pour voir qui viendra les chercher. Je me suis dit que si quelqu'un venait les chercher, c'est que ce quelqu'un s'inquiétait pour eux. Et je sentais bien que personne ne viendrai me voir, et je m'en foutais je kiffais mon moment à gamberger tout seul, à un mur près d'un noyau d'activité nourri par un groupe de personnes avides de... Beaucoup de choses. Je ne voulais pas particulièrement que l'on vienne me chercher, et j'ai capté que c'est pour ça que personne ne viendrai. Et ça m'a insufflé un certain orgueil, de me dire qu'on ne s'inquiète pas pour moi parce que je dois avoir l'air de gérer suffisamment pour que personne ne se sente pousser un instinct de Mère Teresa en me voyant, et ne dédie un moment de sa soirée à penser que j'ai besoin de lui pour m'en sortir. Je ne suis pas ce fragile qui s'isole des soirées pour qu'on vienne le chercher en le suppliant de dire ce qu'il ne vas pas, tout ça pour avoir un peu d'attention, non, quand je m'isole deux minutes le groupe ne s'affole pas car je sais ce que je fais, si je veux parler ou me plaindre je n'ai pas besoin de stupides jeux, et les gens qui me cernent l'ont vite vu.
Durant ce petit moment, tout seul sur le balcon, j'ai soudain eu un flash, instantané et intemporel de toutes ces fois où je me suis retrouvé seul, autour d'un feu de camp. Prédominait cette soirée au belvédère où tout le monde est parti relativement tôt, et j'ai attendu mon frangin qui arrivait tard. Mais il y en avait des autres, une flopée de feux de camp et quelques autres fois où je m'exilais pour un petit moment du tumulte, le temps de digérer ma vie. Avec cette odeur de bois vert et de terre brulée. Encore une fois, j'ai eu la gorge serrée, sans vraie envie de pleurer, mais en pensant à ce moi du "passé", "innocent" d'une certaine manière, amoureux puis en chagrin d'amour, profitant de ses potes puis les quittant, se faisant de nouvelles connexions avec qui le fait de ne pas avoir passé la puberté fait douter d'être sur la même longueur d'onde (car l'amité/la confiance/l'attachement ne se font qu'avec l'apparition d'un sentiment d'appartenance commun, pour moi plutôt basé sur: les valeurs, les goûts artistiques, la capacité à s'ouvrir à moi et me vanner sans être gêné; pour les choses que je peux analyser sur moi en étant moi, donc pas très objectif et aveugle à beaucoup de ficelles).

Il y a aussi ce moment où tout le monde dans la soirée à été pris d'une grosse perche collective-probablement parce que la moitié des participant étaient sous dissociatif-et où même les gens sobres se mettaient à déambuler dans l'appart en (se) demandant "Meeeeeeeec c'est quoi cette soirée?!"  (cette exacte phrase a été prononcée par environ tout le monde ce soir là, alterné par "Qu'est ce qu'il se paaaaaasse mon gaaaars?!")
Nous avons touché du doigt, tous ensemble cette fois, une conscience collective, un niveau de conscience supérieur. ça sonne hippie comme ça, mais une team de chercheurs vient de prouver que des protistes, cellules considérées comme ancêtres de toutes forme de vie sur Terre, exposaient certains comportement d'habitudes et d'adaptation, manifestant d'un certain niveau de conscience. Poussé jusqu'au bout, on pourrait philosopher sur une certaine conscience des virus, de l'ADN, voir de toutes molécules, atomes, particules. La conscience en elle-même est soumise à la sélection naturelle et à l'évolution. Un insecte ne peux pas imaginer ce qu'est la conscience d'un mammifère. Et nous sommes considéré le top de la conscience, parce qu'on fait des jolis agenda et des bouts de papiers verts avec des arbres, et qu'on modifie profondément tout animal ou plante vivant avec nous (sous notre influence grandissante. Allez voir à quoi ressemblaient avant l'agriculture les plantes et animaux que l'on consomme maintenant. Ou comparez un chihuahua et un loup). Mais nous ne sommes pas un produit achevé et ne pourront jamais l'être. La vie, l'évolution suivent inexorablement leurs cours, non pas à la recherche du parfait mais modelés par le hasard des statistiques (ouh l'oxymore qui va me mettre les statisticiens à dos). Il n'est pas exclut que l'accès à l'information que nous développons actuellement et, comme tout le monde s'accorde à dire: "putain de vite", ne nous ouvre à une conscience plus évoluée que la celle que nous avons actuellement, qui nous poussait tout de même y'a pas si longtemps à considérer comme non-humain tout homo sapiens légèrement différent de soi et ses proches, en dépit de tout bon fonctionnement des neurones miroir.

Peut-être que l'on se réveillera un jour, conscient des gens dans les pièces autour de nous, percevant les émotions d'une façon aussi poignante qu'une odeur peut envahir l'air, ressentant les besoins et désirs de toute personne nous entourant, et la vie à laquelle ces personnes tendent. Peut-être percevrons nous les conséquences de nos actes, les cascades d'actions et les évènements découlant de nos choix aussi clairement que nous regardons les feuilles d'un arbre s'agiter dans le vent. A ce moment là alors, si l'on considère que ce niveau de conscience est global et débouche donc sur l'obtention d'une empathie "pure", la souffrance ressentie par tant de monde deviendra insoutenable pour les autres, et nous pourront nous mettre à travailler tous ensemble pour une société plus stable, capable d'offrir à tous suffisamment de ressources. Mais pour ça il va d'abord falloir vaincre les habitudes de chacun, les traditions ridicules imposées par les moeurs, aller à l'encontre de "l'éducation miroir", mot que je viens d'inventer pour désigner ces parents élevant leurs enfants comme un prolongement d'eux-même, soumis aux même limites, alors que chaque vie est nouvelle, de part sa combinaison génétique, environnement de croissance et développement, etc. Nous ne faisons qu'apporter la vie à de la matière inerte, nos enfants ne sont pas nous et nous ne devons pas nous projeter sur eux Nous avons bien assez de savoir pour éduquer tout à chacun sans aucune contrainte, nous n'avons plus besoin de mystères pour expliquer quoique ce soit, nous avons presque toutes les réponses disponibles à notre échelle.

J'ai ressenti ce que je viens de décrire dans ces deux paragraphes alors que j'étais couché sur le lit d'un pote pendant la même soirée que celle du balcon (ou une semaine avant. Ou une semaine après.), et je gambergeais là dessus pendant qu'un pote faisait le tour de l'appartement pour voir ce que tout le monde faisait en même temps.Il venait à intervalle régulier me dire "qu'est ce qu'il se paaaasse?!" et poser ses deux mains sur ma poitrine, juste le temps d'établir un rapide contact dans un mouvement dont je ne saurai dire qui de nous deux l'initiait. Il était clair que seulement ses bras à lui bougeait, mais je savais le mouvement qu'ils allaient faire, et avait l'impression poignante que si je ne voulais pas ce contact, il se serait stoppé net (ce que je crois encore maintenant. J'ai pu développer une forte connexion avec beaucoup de monde ce soir, et contrairement aux "connexions" crées sous ecstasy, celles-ci avaient un côté bilatéral saisissant. Je mettais des mots sur les pensées et sentiments des gens pour eux, leur tendait des objets dont ils avaient besoin sans le savoir encore. Les neurones miroir à plein régime je vous dit)

Hier j'ai téléchargé le dernier Radiohead. J'ai pensé à toi et j'en ai profité pour écrire et essayer de poser ce qui me trottait dans la tête depuis un petit moment. Ma flemme a pris l'habitude de prendre le pas sur toutes mes pulsions d'écriture, et j'ai dû utiliser ton souvenir pour catalyser tout ça, j'en suis pas vraiment fier. J'ai eu l'impression d'écrire beaucoup de choses que j'ai déjà écrites, mais c'est parce que tout ça n'est qu'un seul sentiment continu. Tout ce que j'écris fait partie de la même pelote, j'essaie de démêler et de décrire ce que je vois, mais je ne peux jamais être sûr que je regarde deux fils collés entre eux plutôt qu'un seul.

Le dernier Weezer n'est pas mal non plus.